Et si nous avions colonisé plusieurs planètes dans notre système solaire ? Et si nous souhaitions mettre en place un accès partagé à Internet entre ces différentes planètes ?

Ce serait une entreprise colossale, mais théoriquement faisable avec des avancées technologiques. Ce réseau nécessiterait de surmonter plusieurs défis techniques, tels que la distance, les délais de communication, la gestion des données et l’infrastructure physique.
1.Défis liés à la distance et au délai de communication :
Le plus grand défi est la distance énorme entre les planètes. Par exemple, la distance entre la Terre et Mars varie entre 56 et 400 millions de kilomètres en fonction de leur position dans leurs orbites. La vitesse de la lumière étant de 300 000 km/s, cela signifie que les signaux Internet voyagent à cette vitesse, mais il y aurait toujours des délais de communication.
Temps de latence : Le délai pour qu’un signal voyage entre la Terre et Mars peut varier de 3 à 22 minutes. Cela rend les interactions en temps réel, comme les appels vidéo ou les jeux en ligne, extrêmement difficiles, voire impossibles.
Protocole de communication : Un nouveau protocole doit être conçu pour gérer ces délais. Le Bundle Protocol (BP), utilisé pour le réseau « Internet interplanétaire » en cours de développement par la NASA et l’ESA, est un exemple. Contrairement à TCP/IP, il est conçu pour transmettre des données de manière efficace malgré les latences importantes et les interruptions de connexion.
Techniques d’accusé de réception asynchrone : Un système d’accusé de réception asynchrone pourrait être implémenté, où les paquets de données sont envoyés, mais l’accusé de réception ne revient que beaucoup plus tard, une approche idéale pour les délais extrêmes.
Les pistes de réflexion :
Modèle hybride TCP-DTN : Peut-on imaginer un protocole hybride combinant les forces de TCP/IP pour les communications planétaires (temps de latence faible) et DTN pour les communications interplanétaires (temps de latence élevé) ?
Informatique quantique : Serait-il possible d’explorer l’utilisation de l’informatique quantique pour améliorer la latence ou les transferts de données ? Bien que la téléportation quantique ne soit pas encore applicable aux communications, les ordinateurs quantiques pourraient optimiser certains aspects de l’analyse et de la gestion des données interplanétaires.
2. Infrastructure physique (réseau satellite et stations relais) :
Pour connecter différentes planètes, une infrastructure de satellites et de stations relais doit être mise en place pour transmettre les signaux à travers l’espace.
Satellites interplanétaires : Il serait nécessaire de déployer une armée de satellites dans tout le système solaire pour relayer les signaux. Ces satellites seraient placés en orbite autour des planètes, des lunes et éventuellement entre les planètes. Leur rôle serait de transmettre les paquets de données vers leurs destinations. Pour assurer la connectivité, chaque planète pourrait être entourée d’une constellation de satellites, similaire à Starlink de SpaceX pour la Terre, mais avec des configurations adaptées à chaque planète. Sur Mars, par exemple, des satellites en orbite basse devraient être placés pour garantir une couverture globale.
Stations relais interplanétaires : Ces stations relais pourraient être placées dans des points de Lagrange (points d’équilibre gravitationnel entre deux corps célestes) pour réduire les besoins énergétiques et servir de stations de transit pour les données entre les planètes.
Antennes à haute fréquence et lasers optiques : Utiliser des antennes à très haute fréquence (comme les bandes Ka ou Ku) ou des systèmes de communication laser interplanétaires pourrait permettre des débits plus élevés et réduire la perte de signal par rapport aux communications radio traditionnelles.
Les pistes de réflexion :
Réseau maillé dynamique : Un réseau maillé dynamique, où chaque satellite pourrait agir comme un nœud flexible, optimiserait le routage des données en fonction de la position des planètes et des satellites. Cela pourrait réduire les délais en ajustant dynamiquement les trajets des signaux.
Redondance et robustesse : Comment construire un réseau robuste capable de gérer des tempêtes solaires ou des événements cosmiques perturbateurs, qui pourraient endommager ou interrompre les communications ?
3. Gestion du trafic et des ressources :
Un Internet interplanétaire nécessiterait des ressources informatiques massives et un réseau optimisé pour gérer le trafic provenant de multiples planètes, chacune ayant ses propres utilisateurs et types de contenu.
Cache distribuée : Une solution clé serait d’implémenter des caches de données distribuées sur chaque planète, ce qui permettrait de stocker les données locales pour une utilisation fréquente (streaming vidéo, accès aux fichiers partagés, etc.), réduisant la nécessité de demander des données à une autre planète.
Edge computing : Sur chaque planète, l’edge computing pourrait permettre un traitement des données en périphérie, c’est-à-dire près de l’utilisateur, pour minimiser les besoins en communication interplanétaire. Les tâches gourmandes en calcul, comme les simulations scientifiques, pourraient être réalisées localement.
Intelligence artificielle (IA) pour l’optimisation du trafic : Une IA pourrait être utilisée pour gérer le routage du trafic interplanétaire. Elle pourrait prévoir les alignements planétaires et adapter les routes des paquets de données pour éviter les retards inutiles.
Les pistes de réflexion :
Synchronisation des caches : Comment gérer la synchronisation des caches entre plusieurs planètes, en particulier lorsque des données critiques doivent être partagées ou mises à jour à travers plusieurs colonies ?
Allocation dynamique des ressources : Un système de gestion des ressources en temps réel, régulé par une IA, pourrait adapter dynamiquement la bande passante et la capacité des caches pour prioriser certaines tâches selon leur importance.
4. Sécurité et gouvernance :
Un Internet interplanétaire soulèverait des questions complexes de gouvernance, de sécurité et de souveraineté.
Sécurité des données : L’éloignement des planètes rend plus difficile la gestion centralisée des données et des protocoles de sécurité. Les techniques de cryptographie asymétrique et de chiffrement de bout en bout devraient être intégrées dès la base du système pour garantir la confidentialité et l’intégrité des données transmises.
Blockchain pour la gouvernance : Une infrastructure basée sur la blockchain pourrait être mise en place pour gérer la gouvernance et la sécurité des données interplanétaires. La blockchain, grâce à sa nature décentralisée, permettrait une gestion sûre et transparente des transactions et des échanges de données.
Les pistes de réflexion :
Souveraineté des données : Chaque planète devrait-elle gérer ses propres données de manière indépendante ou un cadre réglementaire interplanétaire devrait-il être créé ? Quelles seraient les implications politiques et légales ?
Réseau sécurisé par consensus : L’utilisation de la blockchain pour les transactions pourrait être étendue à la gestion du réseau lui-même. Chaque nœud du réseau pourrait approuver et valider les actions, ce qui permettrait d’améliorer la sécurité globale du réseau.
5. Énergie et ressources :
Faire fonctionner un réseau à l’échelle interplanétaire exigerait une quantité énorme d’énergie.
Efficacité énergétique : Les satellites et les stations relais devraient être alimentés par des sources d’énergie autonomes et durables. L’énergie solaire pourrait être utilisée pour les planètes proches du Soleil (Terre, Mars), mais des réacteurs nucléaires miniaturisés ou d’autres sources d’énergie alternative seraient nécessaires pour des planètes plus lointaines comme Jupiter ou Saturne.
Alimentation des infrastructures locales : Les centres de données planétaires pourraient également utiliser des sources d’énergie locales, comme l’exploitation de la géothermie sur Mars ou l’énergie éolienne sur des lunes comme Titan.
Les pistes de réflexion :
Optimisation de la consommation énergétique : Comment minimiser l’énergie consommée par les relais interplanétaires tout en garantissant la continuité du service ?
Microcentrales nucléaires : L’utilisation de microcentrales nucléaires pour alimenter les infrastructures critiques (stations relais, satellites, centres de données) est-elle une solution viable ?
6. Utilisation de technologies innovantes :
Communication par laser : Contrairement aux signaux radio, la communication par laser offre des vitesses de transfert de données beaucoup plus élevées et pourrait être utilisée pour transmettre des informations entre les planètes plus efficacement. Le Laser Communications Relay Demonstration (LCRD) de la NASA explore cette technologie pour les futures missions interplanétaires. Ces systèmes pourraient transmettre des volumes de données beaucoup plus importants à des distances interplanétaires.
Stockage distribué et blockchain : Le stockage des données à travers un réseau décentralisé et sécurisé par blockchain pourrait garantir l’intégrité et la disponibilité des données, même en cas d’interruptions locales ou de perte de communication avec une planète.
Les pistes de réflexion :
Communications multi-liaisons : Combiner les technologies de communication radio (pour la robustesse) et laser (pour la rapidité) pourrait fournir des redondances et optimiser les performances du réseau.
Exploitation de la blockchain interplanétaire : Serait-il possible de créer une blockchain interplanétaire pour réguler à la fois la sécurité et les transactions interplanétaires (financières, commerciales, informations critiques) ?
7. Cas d’usages spécifiques :
Streaming et divertissement : Pour les services de streaming ou de divertissement, une approche asynchrone pourrait être privilégiée, où les données sont préchargées ou tamponnées localement, minimisant ainsi la dépendance aux communications interplanétaires.
Télétravail et téléopérations : La collaboration entre les planètes pour des projets nécessitant une forte interactivité, comme la télémédecine ou la maintenance à distance, serait affectée par les latences. Les tâches à faible interactivité, comme l’envoi de fichiers ou les analyses de données, pourraient être réalisées sans problème. Dans un scénario de télémédecine interplanétaire, les consultations médicales pourraient être réalisées localement, mais certaines analyses critiques (imagerie médicale complexe) pourraient être envoyées à des spécialistes sur une autre planète avec un traitement différé.
Un Internet interplanétaire nécessiterait une combinaison de technologies avancées, un réseau satellite bien organisé, des caches de données locaux, ainsi que des solutions pour gérer les délais de communication. Bien que cela soit techniquement réalisable, il resterait de nombreuses limitations, notamment la latence, la disponibilité des ressources et la complexité de la gouvernance. Cela nécessiterait aussi un cadre réglementaire clair et une coordination internationale pour gérer ce réseau à l’échelle du système solaire.